En cette journée l 'amitié voici deux petits poèmes de Sarah Biguet
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Dehors est une maison
et le vent s’éteint comme la lumière
Mon drapeau est une voix
échappée d’une statue qu’on démolit en cas d’urgence
Quand je hisse mon drapeau
à l’intérieur de la cave j’allume un ventilateur
pour le faire flotter
Les ombres parlent avec les ombres
Nous respirons leurs voix qui se fracassent
sur les ponts
Écoutez :
Les hommes sont des couloirs qui dévalent de la montagne
Écoutez :
Mon chien chante ce matin
Je vois sa voix qui partage ses os avec les miens
Partout on brûle des livres
La terre et les arbres aboient contre les avions
Les paroles ne parlent plus
Les mots se mouchent dans leurs doigts
À voir la voix !
On entend des dents et des gorges sciées
À la boucherie on vend des paroles comme des langues arrachées
Écoutez :
Ils ont tué nos mots et notre voix est ce qui reste
Nous avons des drapeaux transparents qui flottent
dans notre dos
Notre voix est une main aux doigts coupés
Écoutez :
Le poème vote Le poème rote
Il vomit des verbes sur des temps qui n’existent plus
Voixyez :
Un poème abandonné mentionne sur son mode d’emploi :
Usage dangereux / À lire en cas d’urgence
Ne laissez pas à la portée des enfants
Un clown déguisé en chien revendique un droit de voirie :
Hôpital Silence Rangez-vous sur le bas-côté
Préparez vos cartes d’embarquement
Occupation du domaine public
Fin provisoire d’autoroute
printemps des poètes 2013 les voix du poème
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Ecoute
le silence est fait de paroles
à l’intérieur de soi
comme une aube venue des profondeurs
entoure d’esprit
la lumière
Les mots de novembre annoncent l’espace
hauteur achevée des parfums vécus
l’odeur émaillée d’une vie qui avance
avec dans la bouche matinale
le goût d’une voix
Ecoute
le chuchotement du premier mot
se tait à la source
pour se désaltérer dans l’ombre
et combler le vide
Dans ce grenier inépuisable
enfin le cri
pétrifie l’essentiel
Anne Marie BERNAD (inédit Nov 2012)
printemps des poètes 2013
Une voix, une voix qui vient de si loin
Qu'elle ne fait plus tinter les oreilles,
Une voix, comme un tambour, voilée
Parvient pourtant, distinctement, jusqu'à nous.
Bien qu'elle semble sortir d'un tombeau
Elle ne parle que d'été et de printemps.
Elle emplit le corps de joie,
Elle allume aux lèvres le sourire.
Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix humaine
Qui traverse les fracas de la vie et des batailles,
L'écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.
Et vous ? Ne l'entendez-vous pas ?
Elle dit "La peine sera de courte durée"
Elle dit "La belle saison est proche."
Ne l'entendez-vous pas ?
Robert Desnos - Contrée (1936-1940)
Vous aviez mon coeur
Moi, j'avais le vôtre :
Un coeur pour un coeur,
Bonheur pour bonheur !
Le vôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre ;
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !
La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L'encens, la couleur,
Qu'en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu'en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?
Comme un pauvre enfant
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant
Que rien ne défend,
Vous me laissez là
Dans ma vie amère,
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !
Savez-vous qu'un jour
L'homme est seul au monde ?
Savez-vous qu'un jour
Il revoit l'Amour ?
Vous appellerez,
Sans qu'on vous réponde
Vous appellerez,
Et vous songerez!…
Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte,
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant,
Et l'on vous dira :
« Personne !… elle est morte. »
On vous le dira,
Mais, qui vous plaindra ?
Élégies1825
Trapéziste cosmique
il s’élance pour regarder
de haut
la petitesse des remparts
qui séparent les hommes
captifs de leurs dieux
avides de sang
et de larmes
suspendu à la Grande Ourse
la nuit
il voit mieux
grâce au feu tamisé
des ténèbres
qui pénètre son âme
lancinant laser
de lucioles fraternelles
il voit se lever les rêves
de jour
qui l’habitent
ces rêves
sont le nectar
de sa vie
*
Des arbres de sang
explosent
dans nos labyrinthes
les grappes de vie
suspendues à nos lèvres
cherchent un souffle nouveau
comme un recommencement du monde
vers des printemps palpables
Les mains se cherchent
se prennent pour des ailes
et nos voix étranglées
croient qu’avaler une flûte
ou apprivoiser un rossignol
suffira à capturer
le chant fragile
noter sur la portée du vent
la musique indocile
du poème…
*
On pèse ses mots
on pèse ses morts
on raccommode ses trous de mémoire
avec des mots avec des morts
Rimbaud brûle encore ses vaisseaux
mais le bateau ivre voguera longtemps
sur l’océan des siècles
Les langues lagunes
soulèvent les vagues et les vents
la poésie écume ou murmure
son cri s’élance et retombe
là où on ne l’attend pas
Les chevaux de l’oubli
sèment à tous vents
les feuillets de l’âme
pour l’âme
Le poème remonte son fleuve
jusqu’à l’eau vive
du silence
jusqu’au sang d’encre
du mystère…
Michel Ménaché
printemps des poètes 2013 les voix du poème
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Je t'aimais
Dans l'orage des sèves
Je t'aime
Sous l'ombrage des vents
Je t'aimais
Aux jardins de l'aube
Je t'aime
Au déclin des jours
Je t'aimais
Dans l'impatience solaire
Je t'aime
Dans la clémence du soir
Je t'aimais
Dans l'éclair du verbe
Je t'aime
Dans l'estuaire des mots
Je t'aimais
Dans les foucades du printemps
Je t'aime
Dans l'escapade des saisons
Je t'aimais
Aux entrailles de la vie
Je t'aime
Aux portails du temps
Andrée Chedid - Quelques traces de craie dans le ciel